L’inspiration manque en ce moment, mais comme j’ai un peu de temps libre devant moi, je m’étais dit que je forcerai ma chance pour vous pondre un nouveau billet. Je repense à ma semaine, rien d’extraordinaire à part le fait que j’ai dû prendre un jour de congé pour aller voir le dentiste.
Oui, je vois un nouveau dentiste. Non, on ne se fréquente pas sur une base régulière même si comme tous les autres avant lui, il me fait littéralement baver, ouvrir la bouche et en plus, je le paye cher pour ça. Son cabinet moderne aux portes coulissantes accueille des vieilles dames en manteaux de fourrure et des messieurs en costume noir qui attendent sagement leur tour les jambes croisées. Je suis clairement en décalage dans ce décor avec mon jogging du dimanche porté un mercredi et mes cheveux en choucroute.
Dr. Maserati, c’est un nom qui lui irait bien, non seulement parce qu’il roule réellement en Maserati, mais c’est un peu comme la Maserati de la dentisterie. Sa blouse d’un blanc immaculé est de la même couleur que son sourire. Lui arrive-t-il de faire aussi des blanchiments ou est-il plutôt du genre I woke up like this ?
En déchiffrant mon nom de famille et ma tête, il m’a demandé si je venais de Malaisie et si ma dent numéro 36 avait été traitée là-bas. Je ne suis pas malaisienne, mais lui était mal à l’aise de sa maladresse quand je lui ai répondu que j’avais traité ma dent numéro 36 à Paris et que c’était un sacré numéro.
Malaise passé, il a enfilé ses gants en nitrile et sa loupe binoculaire. Son assistante a préparé les instruments de torture. À en compter le nombre, le dentiste aurait pu me lancer « Gogo Gadget aux dents » et je n’aurais même pas ri. J’aurais plutôt mis un panneau « zone de construction » devant l’entrée de la salle comme on en voit sur les routes à en entendre le bruit de sa turbine. Il a eu la gentillesse de me demander « Êtes-vous prête ? ». Certes, une douce attention de sa part, mais comme je n’étais plus en mesure de dire non avec ma bouche grande ouverte et sa turbine sur le point d’entrer en collision avec ma dent, j’ai juste répondu « Ahhhh ».
« Est-ce que tout va bien ?
– Ahhhhh…
– Avez-vous mal ?
– Ahhhhh…
– Plus que cinq minutes !
– Ahhhhh… »
Nous voilà donc en tête à tête, une expression qui prend tout son sens à cet instant. D’ailleurs, je ne sais jamais où regarder ni comment gérer cette proximité. Je le fixe du regard ? Je ferme les yeux ? Je regarde le plafond ? Intervention terminée, il me souhaite une belle journée en me raccompagnant à la sortie. Je passe voir la réceptionniste pour régler la note. En voyant le montant, côté gauche de ma mâchoire anesthésiée, je n’ai pu m’empêcher de lâcher un « Ahhhhh » suivi d’un « Gogo Gadget au porte-monnaie ».
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